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Pourquoi les problèmes de la SNCF ne sont pas près de s'arrêter (L'Expansion.com - 14/01/2011)

Une fois n'est pas coutume. Depuis plusieurs jours, ce sont des centaines usagers de la SNCF qui se sont mis en grève. Ils protestent contre la détérioration du service. Le point sur ce service public qui déraille.

Infrastructures obsolètes, pannes de signalisation, des trains qui arrivent en bout de course... les difficultés de la compagnie ferroviaire ne sont pas d'un seul ordre

On aura tout vu. Après les agents de la SNCF, c'est aux usagers de faire grève. Depuis une semaine environ, de nombreux passagers du train Angers-le Mans-Paris refusent de présenter leurs titres de transports aux contrôleurs. Ils estiment que le service se détériore. Attifés d'un badge "abonnés en grève", ces réguliers de la ligne exigent que leurs soient remboursés les jours de transports perdus lors des grèves de l'automne. "On observe une très nette dégradation du service, pour lequel nous payons très cher, avec des retards à répétition très préjudiciables professionnellement", estime Pascal Mignot, le porte-parole du mouvement, qui ne s'est pas encore constitué en association.

Ils ne sont pas les seuls à protester. Entre les différents dysfonctionnements de cette fin d'année, dont le cauchemardesque train Strabourg-Port Bou, les grèves du mois d'octobre, et les retards de plus en plus fréquents sur les lignes, la SNCF fait face à une remise en cause de plus en plus fréquente de ses services. Les scandales liés au retard des trains notamment augmentent. Selon RFF, 70% de ces retards seraient dus à des problèmes de matériels et organisationnels. Infrastructures obsolètes, pannes de signalisation, des trains qui arrivent en bout de course... les difficultés de la compagnie ferroviaire ne sont pas d'un seul ordre. Un manque d'investissement qui fait craindre pour l'avenir Parmi les multiples problèmes qu'elle rencontre aujourd'hui, notamment organisationnels, la SNCF est de plus en plus confrontée à la question du financement de ses investissements. En 2008 pourtant, l'entreprise annonce un programme sans précédent, de 6 à 9 milliards d'euros pour rénover la première génération de son parc de TGV, qui date de 1981. L'entreprise est alors dans une perspective d'activité très positive avec des augmentations fortes de trafic. Mais la crise est passée par là. Les activités du fret notamment s'écroulent, tandis que le trafic voyageurs stagne, voire recule sur certaines lignes. En 2009, la compagnie reconnaît une perte d'un milliard d'euros, alors que sa dette frôle les 10 milliards. Depuis, les perspectives de commandes de la compagnie en matériel roulant, hors rénovation, sont au point mort. "Le projet de remplacement des TGV est gelé, et la SNCF a diminué par deux ses investissements prévus sur le fret", explique Jean-Pierre Audoux, le délégué général de la FIF (fédération des industries ferroviaire). Aujourd'hui, ce sont l'Etat et les régions qui financent respectivement les deux grands projets d'investissement sur le remplacement des trains Corails et les nouveaux matériels roulant Intercités. Rien que pour entretenir le réseau et payer les trains, la SNCF doit trouver entre 1 et 1,5 milliard d'euros par an, estimait récemment le directeur financier du groupe, David Azéma. Faute de quoi il faudrait "réduire l'ambition ferroviaire" de la compagnie.

Autre problème d'ampleur, le réseau se dégrade de jour en jour. Théoriquement, il appartient à Réseau Ferré de France de financer sa rénovation et la construction des lignes nouvelles. Mais là aussi, les investissements manquent. "Or dans le secteur ferroviaire, c'est le cercle vicieux, si les investissements ralentissent il faut plus d'entretien, ce qui entraîne plus de retards, plus de frais, et donc moins d'investissements... ", détaille Jean-Pierre Audoux. Depuis la publication en 2005 du rapport Rivier sur l'état du réseau ferré national français, il est estimé que chaque année 1000 km de lignes doivent être rénovés au risque de voir une partie croissante du réseau inutilisable. En 2010, le plan de modernisation du réseau adopté par le gouvernement aura permis de traiter environ 800 km de voies par an pour un financement d'1,7 milliard d'euros. "Il faudrait au moins 400 millions d'euros de plus par an pour enrayer la dégradation du réseau", explique Jean-Pierre Audoux. Même si les régions sont mises à contribution, les fonds risquent de manquer. Or RFF, qui dépense environ 5 milliards d'euros par an, n'a pas les moyens de faire plus. Surtout que l'entreprise est censée financer les nouvelles lignes de TGV prévues par le Grenelle de l'environnement. Quatre grands projets (LGV Rhin -Rhône, LGV Est, Le Mans-Rennes, Tours-Bordeaux) doivent bientôt voir le jour. Pour Jean-Pierre Audoux, l'investissement pour les nouvelles lignes devrait passer de 2 milliardsd'euros actuellement à environ 3,5 milliards d'ici à 2014. Des investissements qui peinent encore à être mobilisés.

Selon le magazine l'Usine Nouvelle, qui a chiffré la somme totale de ces investissements, la SNCF et RFF auraient besoin de 40 milliards d'euros dans les 10 ans... Dans l'incapacité de répondre à ces dépenses SNCF et RFF se renvoient donc la balle pour savoir qui va payer. RFF notamment plaide pour une augmentation radicale des droits de péages. L'entreprise a obtenu de Bercy une hausse de 50 millions d'euros par an sur cinq ans. Mais cela ne réglera pas le problème.

Dans ce contexte, les usagers ont des raisons de s'inquiéter. En plus de voir le service se dégrader, il est probable que la SNCF continue d'augmenter progressivement ses tarifs. Quoique. Sur ce point, la marge de manoeuvre de la compagnie n'est pas totale. Les politiques déjà ne voient pas vraiment d'un bon oeil l'augmentation du prix des billets, qui pénalise le pouvoir d'achat. Par ailleurs, la SNCF va bientôt devoir affronter la concurrence sur les lignes internationales puis nationales, et sera donc obligée de rester compétitive. Récemment, elle annonçait quand même un plan d'urgence pour 12 lignes "malades". Tout en déclarant quelques jours plus tard que rien encore n'était bouclé...